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Les D’Apchier (1)

La famille d’Apchier (57) qui entrait en possession de La Clause était fort connue et réputée dans la région de Saugues.
Cette baronnie gévaudanaise — l’une des huit donnant entrée annuellement aux Etats du Gévaudan, et une année sur huit aux Etats du Languedoc — avait son chef-lieu non loin de St-Chély, sur une butte où s’élèvent encore, dans un site splendide, un imposant donjon carré, garni en partie de ses mâchicoulis, et la chapelle du château, vrai bijou roman du XIIIe siècle, dédiée à saint Jean-Baptiste, fort bien conservée malgré son abandon.

Les principaux châteaux de cette baronnie étaient ceux d’Apcher, Montaleyrac, St-Alban, Bacon, Recoux, Arzenc, Mont Chanson et la ville fortifiée de St-Chély. Les barons d’Apcher tenaient, en plus, des barons de Mercœur : Vazeilles-près-Saugues et le Villaret-d’Apcher, Douschanets près de Monistrol- d’Allier, le Chayla d’Ance. Ils avaient des paréries à Châteauneuf, Randon, Serverette. Au cours des siècles, leurs possessions s’accrurent par de nombreuses alliances. De cette famille sont issues : la branche des barons de la Garde-Thoras, celle des vicomtes de Vazeilles et celle des comtes de Vabres.
Parmi les personnages célèbres de cette maison, citons notamment :

– Henry d’Apchier, chevalier croisé, en 1096 ;
– Garin d’Apchier, troubadour gévaudanais, qui inventa, au XIIe siècle, un genre de poésie appelé « descort » et fut sans doute le même personnage qui prit part, avec l’évêque de Mende, à la croisade contre les Albigeois ;
– Guérin III d’Apchier qui suivit St Louis à la Croisade, en 1249, et, à son retour de Terre Sainte, fonda la chapelle de St-Jean à Apchier ;
– Guérin IV, baron d’Apcher, co-seigneur de Vabres, qui défendit vaillamment la ville de St-Chély, en 1362, contre l’attaque des Anglais, à la journée dite « des Barrabans », et, deux années auparavant, fut envoyé en ambassade par le roi Jean, auprès du roi d’Aragon, au sujet du mariage projeté entre Louis d’Anjou et une fille de ce prince ;
– Guérin VII qui commanda l’armée du pape Grégoire XI, son beau-frère, contre le duc de Milan, fut capitaine général en pays de Velay et de Gévaudan ; il épousa, en septembre 1347, à Villeneuve-lès-Avignon, Marie de Beaufort, fille de Guillaume Rogier, comte de Beaufort, frère du pape Clément VI, et père du pape Grégoire XI ;
– Jean, comte et baron d’Apchier, qui, nommé, en 1574, gouverneur de la ville de Mende et commandant pour le roi en Gévaudan, guerroya contre les protestants, leur prit les châteaux d’Aliéné et de Serverette, promit, le 29 juin 1581, de vendre ses places de La Gorce et de Salavas au capitaine Mathieu Merle afin de faire déguerpir du diocèse les Réformés et de faciliter la paix religieuse ; il fut tué, le 24 juin 1586, dans un combat contre les Huguenots, à Vissaguet en Velay, par Tristan de Talhac, baron de la Margeride, qu’il tua lui-même avant de mourir.

Après ce bref aperçu des plus illustres membres de la maison d’Apchier, revenons à Christophe, nouvel acquéreur de la seigneurie de La Clause.
Christophe Ier d’Apchier, fils de Jean dont nous venons de parler, et de Marguerite de Chazeron, était le troisième d’une famille de sept enfants. II était né en 1570. Après la mort de son frère cadet, Antoine, tué, en 1604, par le seigneur de Bains, et celle de Philibert, son frère aîné, frappé à mort dans la cathédrale de Mende, le 9 janvier 1605, par Annet de Polignac, seigneur de Villefort, Christophe hérita de tous les biens de la maison d’Apchier.
Il épousa, le 5 octobre 1609, Marguerite de Flageac, qui lui donna trois enfants (58) : Marguerite, Madeleine et François ; ces deux derniers moururent jeunes.
Marguerite, unique survivante de Christophe, baronne d’Apchier après la mort de son père, en 1630, dame d’Apchier, Vazeilles, Sereys,… épousa, le 28 septembre 1636, François de Crussol, duc d’Uzès, prince de Soyons, premier pair de France, à qui elle apporta la majeure partie des biens de la famille d’Apchier.
Quelques années avant sa mort, survenue à Paris, en 1630, Christophe d’Apchier voulut désintéresser sa belle-sœur, Gabrielle de Foix (59), épouse de Philibert, de l’usufruit qu’elle possédait sur le comté d’Apcher.
Pour cela, il lui céda la jouissance de la seigneurie de La Clause.

Gabrielle de Foix, fille de Joseph de Foix et de Françoise de Lastic, fut fiancée par sa mère, à l’âge de sept ans et demi, à Philibert de La Guiche, lequel mourut à Paris au cours de ses études. Après le décès de son premier mari, elle fut l’objet d’un très long procès qui dura près de quarante ans, procès intenté par sa mère, sans doute pour soustraire sa fille à la tutelle de son beau-père qui voulait la marier au sieur de Dienne (60). Gabrielle de Foix, douairière de Thoras et de La Clause, rendit hommage au duc de Mercœur, en 1640, pour Thoras et La Clause. Elle est dite « dame de Mardogne, Rochegonde, Montsuc, Lastic, Thoras et La Clause ».

Malgré ses trois mariages — d’abord avec Philibert de La Guiche, fils de Claude et de Suzanne d’Isserpent, dont nous venons de parler, puis avec François de Dienne, fils de Jean et d’Anne de Rouffignac, enfin avec Philibert d’Apchier — Gabrielle de Foix ou de La Guiche mourut sans enfant. Sa sœur utérine, Louise de La Guiche (59), qui épousa, en 1611, Louis de La Rochefoucauld, seigneur de Saint-Ilpize, de Chaumont et de Langeac, devint héritière de tout le patrimoine de la maison de Lastic qui entra ainsi dans celle de La Rochefoucauld. Cependant, la seigneurie de La Clause, après un bref passage dans la maison de Foix ou de La Guiche et de La Rochefoucauld, ne tarda pas à revenir à celle d’Apchier, grâce à une alliance.
En effet, en novembre 1688 (61), Christophe II d’Apchier, seigneur de La Garde, Charraix, Besque,… fils de Jacques et de Dauphine de Tailhac, neveu de Christophe Ier dont nous avons déjà parlé, épousa Marie de La Rochefoucauld, fille de Louis Antoine, seigneur de Chaumont-sur-Loire, et de Louise de La Guiche. — Lors de ce mariage, Christophe reçut 60 000 livres, si l’on en croit les archives du Thiolent, et, bien sûr, la seigneurie de La Clause.

En 1660, Christophe d’Apchier, désirant mettre François Eymard, garde du château de La Clause, en fit rédiger l’inventaire par Gabriel de Brun, sieur du Bois-Noir et de Roquelaure. Dans cet inventaire intéressant, qu’il eût été souhaitable de reproduire ici, il est question d’un pont levis, situé sûrement entre les deux tours du nord-est, de la chambre de l’évêque, de la tour du carré, de la chambre des nourrices, de la chambre verte, de la chambre du four, du cabinet, de la chapelle, de la chambre du corps de garde,… (62).

Le 5 mai 1665, une sentence est rendue en faveur de Christophe d’Apchier, héritier, sous bénéfice d’inventaire, des biens de Gabrielle de Foix, douairière d’Apchier et adjudicataire des cens, rentes et revenus de la baronnie de La Clause, contre noble Guillaume de Lescure, sieur de Combettes, tenancier des biens et héritages de Pierre Martin, son beau-père, qui devait des arrérages de plusieurs années au seigneur de La Clause (id.). Parmi les dix enfants de Christophe d’Apchier, nous ne mentionnerons que l’aîné, Henri Louis, dont il va être question, la cinquième Marie-Louise, mariée, le 3 juillet 1679, à Jean de Chavagnac, seigneur de Meyronne, et la sixième. Marie, dont nous parlerons plus loin. Christophe se sépara de biens avec sa femme, comme nous l’apprend le document suivant : « …Puissante dame Marie de La Rochefoucauld, épouse de Christophe d’Apchier, séparée quant aux biens, résidant à Langeac, considérant les bons et agréables services qu’elle a reçus de Marie Françoise d’Apchier, sa troisième fille, résidant en sa compagnie, et de demoiselle Marie de La Tour, fille de Jean de La Tour, seigneur de Gibertès, sa petite fille et filleule, résidant au château de Gibertès, paroisse de Cronce,… leur donne, par donation entre vifs, à la demoiselle d’Apchier, sa fille, 20 000 livres, et 3 000 livres à sa petite fille, à prendre sur les biens où qu’ils soient…
Fait à Langeac, le 15 septembre 1674. (id.).

Christophe mourut le 25 juillet 1679.

Henri Louis d’Apchier, seigneur et baron de Thoras, La Garde, Besque, Charaix, La Clause,… dit « le comte d’Apchier », fut institué héritier universel de son père, par testament du 3 juillet 1679, sauf à payer en espèces à ses frères et sœurs leurs droits légitimaires. Le 2 mai 1710, il fit donation de tous ses biens, et notamment de la seigneurie de La Clause, à son neveu, Jean Maurice de La Tour d’Auvergne, baron de Murat-le-Quaire, à la condition de porter les nom et armes d’Apchier. Cette donation, passée à Riom, fut faite « sous la réserve de l’usufruit de tous les biens donnés pendant sa vie durant, et sous la réserve de ta somme de 20000 livres dont le seigneur d’Apchier se réserve de disposer en faveur de qui lui semblera bon… » (id.).
Henri-Louis mourut célibataire au château de Besque le 25 décembre 1712. Deux jours après il était inhumé dans l’église de Charraix, chapelle du Rosaire.

 


NOTES
(57) « D’or au château donjonné de 3 trois tours crénelées de gueules, celle du milieu, plus élevée et accotée de deux haches d’armes d’azur plantées en pal de chaque côté de la tour ».
Devise : « Deo juvante ! » Cri : « D’Apchier ! Notre Dame ! »
(58) Thiolent.
(59) A l’intention du lecteur qui essaierait de s’y retrouver dans cette biographie fort complexe, voici un bref résumé qui représente notre point de vue mais ne prétend pas saisir toute la vérité :
Françoise de Lastic (décédée en 1602) épousa en premières noces Joseph de Foix, d’où :
Gabrielle, qui suit ;
— en secondes noces, Jean de La Guiche, 3e fils de Gabriel, d’où :
Louise qui épousa, en 1611, Louis de La Rochefoucauld, fils de Jacques, seign. de Saînt-Ilpize, et de Françoise de Langeac. Ils eurent 7 enfants et notamment Marie dont nous parlerons plus loin au sujet des de La Tour d’Auvergne.
Gabrielle de Foix ou de La Guiche, née en 1577, serait morte en 1686 (Thiolent) à 109 ans !…
— Fiancée par sa mère, par contrat de mariage anticipé (Arch. de Parentignat), à l’age de 7 ans 1/2 (juil. 1584), à Philibert de La Guiche (11 ans), fils aîné de Claude (lequel était frère de Jean, donc beau-frère de Françoise de Lastic, 2d mariage) et de Suzanne d’Isserpent, neveu par alliance de Françoise de Lastic (cf. lettre de cette dernière à M. de Foix, vic. de Rabat, cousin de Joseph).
Philibert de La Guiche mourut avant l’accomplissement du mariage, étant étudiant à Paris. A son décès, Gabrielle avait 10 ans 4 mois. Claude, son beau-père, resta tuteur de Gabrielle, refusa de se « dessaisir de la garde et nourriture de la dicte fille, laquelle il détient » prétendit disposer de la personne et des biens de la jeune fille, et voulut la marier au sieur de Dienne. Sa mère, au contraire prétendait lui trouver un parti plus avantageux.
Gabrielle épousa quand même, en deuxième noces (entre 1588 et 1590), François, comte de Dienne (mort en 1592), fils de Jean de Dienne et d’Anne de Rouffignac. Françoise va tout tenter pour empêcher sa fille d’entrer en possession des biens qui peuvent lui revenir soit de son père, soit de son oncle. D’où un procès fort long et fort compliqué, Le 27 août 1590, le sénéchal d’Auvergne rendit un arrêt par lequel il déclara que tous les biens de Louis de Lastic appartenaient à sa sœur, Françoise. En 1592, François de Dienne mourut ; sa veuve qui n’avait que 14 ans s’empara des propriétés et refusa de paraître devant le sénéchal. Un arrêt du Parlement de Paris, rendu le 26 oct. 1592, donnait encore à Françoise de Lastic provision de tous les biens laissés par le décès de Thibaud et de Louis de Lastic.
Gabrielle épousa, en troisième noces (23 sept. 1594), Philibert d’Apcher et le procès continua avec ce dernier. Un nouveau défaut fut pris contre eux, le 21 nov. 1594. Le 6 févr. 1595, le Parlement condamna les inculpés à payer d’abord 4 000 écus d’amende à Françoise et ordonna aux receveurs et fermiers des domaines de Lastic, Montsuc, Rochegonde, de ne pas disposer des revenus des domaines sans le consentement de Françoise.
Devant le refus de ceux-ci, la mère de Gabrielle adressa une requête au Parlement, en février 1596. Celui-ci rendit alors un arrêt exécutoire très sévère, déclarant les inculpés complètement déchus du droit d’héritier, même des biens non contestés, les condamnant à 5 000 écus d’amende et les menaçant de prise de corps.
C’est alors que des parents et amis intervinrent et un projet de transaction fut signé, le 31 août 1596, à Riom : Françoise de Lastic devait avoir les châteaux, domaines et seigneuries de Lastic, Rochegonde, Caderousse ; sa fille devait avoir le château et seigneurie de Montsuc, et serait déclarée quitte de tous les dépens, dommages et intérêts. L’arrangement définitif se passerait à Brioude, le 15 septembre suivant. Françoise mourut, en 1602. Les archives de Parentignat sont muettes au sujet de ce procès, entre 1596 et 1604. A cette date, il fut décidé que Louise de La Guiche recevrait Rochegonde el Gabrielle de Foix aurait Lastic, Montsuc et Caderousse. Si l’une des 2 sœurs mourait sans enfants de légitime mariage, les biens en question reviendraient à sa sœur ou héritiers de celle-ci.
(Chronique de la Maison de Lastic, marquis de Lastic, II, 108-116).
En fait, malgré ses 3 mariages, Gabrielle mourut sans enfant, et avant sa sœur utérine, si l’on en croit le marquis de Lastic.
Louise de La Guiche hérita donc de tout le patrimoine de la maison de Lastic, qui entra ainsi dans celle de La Rochefoucauld. Ainsi se termina cet inqualifiable procès qui avait duré plus de quarante ans.
Le 18 janvier 1612, Gabrielle prit possession de Thoras et ne devint douairière de La Clause que quelques années seulement avant la mort de son beau-frère, Christophe d’Apchier.
(60) Marquis de Lastic, II, 108-116.
(61) En 1628, est-il dit dans une copie des archives du Thiolent.
(62) Thiolent.