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Les D’Apchiers (2)

Après un passage de 39 ans dans la maison de la Tour d’Auvergne, la seigneurie de La Clause revenait dans celle d’Apchier. Joseph Randon, comte d’Apchier, baron de la Garde et Thoras, seigneur de La Clause, Besque, Charraix et autres lieux, était né à Grandrieu (Lozère), le 14 mars 1698. Il était fils de Christophe III d’Apchier, seigneur de Verdun, paroisse de Saint-Préjet-d’Allier, capitaine d’une compagnie de dragons, et de Madeleine Filhot, fille de Vidai, sieur de Belviala, et de Marie de Chastel de Servières. Avant d’hériter de Nicolas François Jules de La Tour, il avait acquis, en 1747, pour 30 000 livres, les terres de Charraix et de Besque. C’est en ce dernier lieu qu’il résida désormais. Il avait épousé, le 23 août 1743, sa cousine Antoinette de La Rochefoucauld, fille de Jean Antoine, comte de Saint-Ilpize, et de Madeleine de Michel de Lachamp.

De ce mariage naquirent :

1° — Jean-Joseph, qui suit ;
2° — Dominique, reçu chevalier de Malte, le 29 juin 1754 (67).

Le 17, novembre 1756, Marianne de Fontunie, veuve de Bruno de Loberie, sieur du Pouget, fait en son nom personnel reconnaissance au seigneur de la Clause, d’une partie des biens quelle possède aux Salettes, près Saugues : « Marie-Anne de Fontunie, demoiselle des Salettes, veuve de noble Bruno de Loberie, sieur du Pouget, reconnaît tenir en emphytéose perpétuelle avec droits de lods, prélation, comis et avantage, justice, haute, moienne et basse, mère, mixte, impère, de très-haut et puissant seign., Messire d’Apchier… agr. de la Clause… un petit château avec 2 granges, 2 basses-cours, 1 jardin, 1 chazal et 2 petits appartements, plus divers champs, prés et bois… Les censives payées au seign. de la Clause étaient de : – argent : 2 L 6 s 6 d; – seigle : 5 setiers, 6 cartons, 7 boiss. 1/2; – av. : 32 ras, 6 boiss.; – géline : 1 et la moitié d’une autre; – manœuvre : une bouade (F. Fabre, les Salettes p. 9).
Cette reconnaissance est identique à celle du 17 mai 1565 faite par noble François de Peutchan (Péchamp).

Jean Joseph de Randon de Chateauneuf d’Apchier, chevalier, marquis d’Apchier, baron des Etats du Languedoc, seigneur des terres et baronnies de Thoras, La Clause, la Garde et Prades, seigneur de Charraix, la Pause, Saint-Exupéry, Besque, Verdun, Clavières, baron de Cénaret, colonel de la gendarmerie à Lunéville, maréchal de camp, chevalier de Saint-Louis, résidant en son château de Besque, paroisse de Charraix, reprit le nom de Chateauneuf-Randon. Il était venu au monde, au château de Besque, le 13 juin 1748.Après les chasses infructueuses du capitaine Duhamel et de Denneval, le plus célèbre Louvetier de France de l’époque, contre la « Bête du Cévaudan », et le départ de Antoine de Beauterne, les ravages continuant, ce fut le marquis d’Apchier qui organisa la lutte contre le monstre que tua Jean Chastel, un de ses chasseurs. Une fois abattue, le 19 juin 1767, ce loup de taille plus qu’ordinaire fut transporté au château de Besque ; embaumé trop sommairement et maladroitement par le chirurgien Boulanger, de Saugues, il arriva au château de Versailles dans un état de putréfaction si avancé que le roi ne daigna même pas y jeter un coup d’œil. Désormais cependant, on ne parlera plus de cette trop fameuse « Bête » que comme de l’histoire ancienne. Mais, Grèzes et La Clause avaient payé leur tribut à cette horrible « Bête », comme le prouvent, d’une façon irréfutable, les registres paroissiaux : « L’an 1765 et le 2e jour du mois de janvier, a été dévoré par la bette féroce Jean Chateauneuf, du Mazel, sur notre parroisse, âgé d’environ 14 ans, et a été enterré le lendemain au cimetière de cette parroisse, tombeau de ses prédécesseurs, en présence de Jean Maurin et de Jean Bref, qui ont déclaré ne savoir signer. De ce enquis et requis.De Rochemure, curé. Le 7 avril 1765, a été dévorée par la bette féroce Gabrielle Pelicier, de La Clauze, sur cette parroisse, âgée d’environ 17 ans, et les débris ont été enterrés le lendemain au cimetière de cette parroisse, tombeau de ses prédécesseurs. Présents : Jean Cubizolles du susdit village et Jean Bret, de Grèzes, qui ont déclaré ne scavoir signer.De Rochemure, curé.»

Après cet exploit dont parlaient tous les habitants du Gévaudan, du Vivarais et d’Auvergne, et qui reste encore bien vivant dans la mémoire des saugains, Jean Joseph de Randon de Chateauneuf d’Apchier épousa, le 3 septembre de la même année, dans la chapelle du château du Thiolent, Louise Henriette de Rochefort d’Ally, fille de Pierre, marquis de Rochefort-d’Ally, baron de Saint-Vidal, et d’Irène de La Vaissière de Chantoinet. La bénédiction nuptiale fut donnée par Louis Henri de Rochefort d’Ally, évêque de Chalon-sur-Saône, oncle de l’épouse.Peu de temps après son mariage, le marquis d’Apchier achetait, en 1769, à « Haute et Puissante Dame Anne Claudine de Rochefort d’Ally de Saint-Point et à Charles Louis Testu, chevalier, comte de Balincourt, son époux » (68), la baronnie de Cénaret. Cet achat conclu, il quittait le Gévaudan pour aller vivre, près de son oncle évêque, à Chalon.

Son épouse, Henriette, lui donna trois enfants :

1° — Joseph Eléazar Charles de Chateauneuf Randon, marquis d’Apchier ; né le 4 avril 1775, il se cacha, sous la Terreur, dans la paroisse de Saint-Préjet-d’Allier, puis emigra, d’abord en Espagne avec son père, puis en Allemagne ; il mourut célibataire à Magdebourg, le 11 mars 1813;
2° — Irène, née le 23 janvier 1777, se maria en 1795, pendant Pémigration de son père, à Marc Denis Le Maugin, commissaire ordonnateur des guerres de la République;
3° — Charles Nicolas Auguste dont il sera question plus loin.

Grâce à son exploit pour délivrer le Gévaudan de la « Mole Bête », Jean Joseph de Chateauneuf-Randon s’était acquis une solide réputation. Il fut élu député de la Noblesse du Gévaudan aux Etats Généraux de 1789. Pendant la Révolution, en 1791, il quitta Chalon-sur-Saône et revint à Chambelève, à quelques dizaines de mètres de son château de Besque, où sans doute il se croyait plus en sûreté. Mais il n’en fut rien. Incarcéré à « l’hôtel de la mairie du Puy », il n’y resta que peu de temps. Les municipalités du canton de Saugues, se souvenant de ses libéralités et de son intervention heureuse pour les délivrer du véritable fléau qu’était la « Fameuse Bête », obtinrent son élargissement. Malgré cela, se croyant toujours à la merci de quelque révolutionnaire trop zélé, il émigra en Espagne, accompagné seulement de son fils aîné, et mourut à Barcelone, le 9 novembre 1798.
Après son départ, tout ce qu’il possédait en France, et notamment Thoras et La Clause, Besque, fut vendu comme biens nationaux. Picard, homme d’affaire du marquis, racheta la terre de La Clause et la rétrocéda à Charles Nicolas Auguste et à Irène d’Apchier, enfants du marquis émigré. Charles Nicolas Auguste de Chanteauneuf-Randon, marquis d’Apchier après son frère aîné, naquit à Châlon-Sur-Saône, le 19 juin 1780. Inscrit sur la liste des émigrés de la Haute-Loire pendant la Révolution, il fut nommé, sous la Restauration, garde du corps de Louis XVIII, chevalier de Saint-Louis (1821), promu lieutenant-colonel d’Infanterie;

il épousa, en 1802, Gabrielle Jeanne Adélaïde du Croc de Brassac qui lui donna deux filles :

1°— Céline qui se maria, le 16 avril 1828, à Pierre François de Leygonie de Pruns ;
2°— Irène, qui se maria, le 28 octobre 1821, à Gaspard de Morel de La Colombe de La Chapelle, chevalier de la légion d’honneur, maire de Vergongheon (67).

Charles Nicolas Auguste s’établit à Brassac après son mariage. Le 28 pluviôse, an 13 (1805), il vendit le domaine de La Clause à la famille de La Bilherie, de Grèzes-près-Saugues.

 


NOTES
(67) De Lescure.
(68) Loz. G. 88.